« L'affaiblissement concerne une ruche s « L'affaiblissement concerne une ruche sur trois »
Bernard Saubot doit composer depuis près de dix ans avec le déclin d'une partie de ses colonies. Dix ans aussi que les insecticides en enrobage de semences sont arrivés sur le marché.
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«Dans beaucoup de ruchers, la situation est comparable à celle d'un troupeau où un animal sur trois traînerait en permanence des problèmes de santé. Quel éleveur accepterait ça ? Nous devons travailler avec un tiers de ruches sans symptôme visible, où les colonies vivotent et sont bien sûr improductives », expose Bernard Saubot, directeur du développement apicole aux établissements Michaud. Cette entreprise commercialise 11 000 tonnes de miel par an, dont 30 à 40 % sont collectées en France auprès d'environ 1 000 apiculteurs. La société Michaud possède aussi 5 500 ruches réparties sur deux régions, les unes autour du siège de l'entreprise, à Gan (Pyrénées-Atlantiques), les autres dans les Bouches-du-Rhône.
« Concernant ces phénomènes de dépérissement, que nous appelons de l'écrémage, ils sont plus fréquents sur les ruches que nous exploitons à partir du site de Gan, puisqu'ils concernent presque une ruche sur trois, constate Bernard Saubot. Ces colonies sont transhumées sur les colzas dans le Gers, puis sur différents sites propices au miel de printemps (châtaigner, tilleul). Enfin, elles reviennent en zones de cultures en juillet pour le tournesol. Quant aux ruches que nous exploitons à partir des Bouches-du-Rhône, elles vont davantage sur des zones peu cultivées (Alpes, Jura, Massif central). L'écrémage ne concerne que 5 à 10 % des colonies. »
Environnement hostile
« Chez les apiculteurs avec lesquels nous travaillons, les phénomènes d'affaiblissement des colonies sont apparus voilà dix ans, à la même époque où les insecticides en enrobage de semences – le fipronil et l'imidaclopride - sont arrivés sur le marché. Ce sont des insecticides violents et à très large spectre, alors que les molécules plus anciennes ciblaient une famille de ravageurs et étaient mieux tolérées par les autres insectes.
Concernant le fipronil et l'imidaclopride, le problème n'existe pas qu'au butinage. Un laboratoire de la région de Toulouse a trouvé des traces de fipronil dans des poussières en bordure de champ. Ce produit a aussi été détecté dans des pollens de plantes sauvages. Nous sommes face à un phénomène de pollution faible mais généralisée et face à des produits insuffisamment testés pendant leur phase d'homologation, notamment pour ce qui concerne leurs effets sublétaux à des doses infimes et répétées. Une abeille, qui pèse 0,1 g, vole sur plusieurs kilomètres par jour, butine, boit, respire dans un environnement de plus en plus hostile. Les observations que nous réalisons quotidiennement nous conduisent à estimer que les intoxications sont bien le problème numéro un de l'apiculture aujourd'hui en France. »
La France a perdu un quart de ses ruchesAu recensement agricole de 1988, la France comptait 1,12 million de ruches. A celui de 2000, il en restait 857 000. Des chiffres auxquels il convient d'ajouter les 300 000 à 400 000 ruches détenues par des amateurs ou pluriactifs qui échappent au recensement. Avec la régression de son cheptel apicole et les mauvaises récoltes à répétition, la France a doublé ses importations de miel en dix ans : 8 323 tonnes en 1992, 16 973 t en 2002. A ces chiffres devraient s'ajouter le manque à gagner lié au recul de la pollinisation. 80 % des plantes à fleurs ont en effet besoin de l'intervention d'un insecte pour bénéficier d'une bonne fécondation, et en bonnes conditions, une abeille visite dans les 700 fleurs à l'heure. Aux Etats-Unis, la valeur de ce service rendu par les abeilles avait été estimée en 1992 dans une fourchette de 1,6 à 5,7 milliards de dollars. |
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